l Vendredi 18 janvier 2013 l Tribune Bulletin Côte d Azur l 28 l

 Le Point, Violaine de Montelos, 10/1/2013 - Un prévenu ad hoc Le groupe des députés tintinophiles, créé en 1995 par l'élu de Charente-Maritime Dominique Bus- sereau et qui compte aujourd'hui 70 membres de tous bords politiques, aime les jeux de rôle. En 2013, avec leurs copains avocats et magistrats tintinophiles du palais de justice de Paris, ils ont l'intention de monter le procès de Rastapopoulos. Reste à trouver celui qui acceptera de jouer le rôle du pire ennemi de Tintin. "Je pense déjà à André Santini", glisse Bussereau.

- Le droit de ne pas être père Vous lui auriez dit il y a quinze ans, à elle, l'avocate féministe, qu'elle écrirait un jour pour défendre la cause des hommes ("Paternités imposées. Un sujet tabou") qu'elle vous aurait certainement ri au nez. Mais dans le secret du cabinet de Mary Plard, il y eut un matin Paul et son désarroi. Paul auquel une maîtresse de passage venait d'annoncer sa gros- sesse et qui découvrait, stupéfait, qu'une femme peut décider seule et qu'il allait devenir père d'un enfant dont il ne voulait pas. (...) Il y eut Moshé, Jérôme, Georges et les autres (...).

Tous ces hommes, l'avocate Mary Plard les a défendus avec rage sans jamais obtenir gain de cause et en découvrant, un cas après l'autre, une incroyable zone de non-droit. Pas le droit, pour l'homme, de renoncer à une paternité même s'il prouve qu'une femme l'a piégé.

Pas le droit de se faire entendre au sein de tribu- naux qui par principe lui donnent toujours tort. Pas le droit, si l'Adn prouve qu'il est le géniteur, d'invoquer une autre forme de paternité, celle-là consentie, désirée, que le simple lien biologique. L'enfant, dont il ne connaissait pas l'existence, a grandi pendant dix ans loin de lui ? Il devra dix années de pension à la mère, à laquelle aucun compte ne sera demandé... En choisissant, dans un livre politiquement incorrect, de raconter les destins de ces pères malgré eux, l'auteur sait qu'elle va heurter les consciences féministes et le prêt-à-penser. C'est pourtant au nom de l'égalité des sexes et à celui de l'intérêt de l'enfant qu'elle livre ce réquisitoire et réclame que l'on songe enfin à accorder aux hommes, dans le domaine de la paternité, une forme de consentement.

Mary Plard : (...) Je constate seulement que la loi est, avec ces hommes qui n'ont pas eu le choix, qui n'ont rien décidé, d'une incroyable sévérité. Depuis 2000, l'expertise biologique en paternité est dite "de

droit", ce qui signifie que, si une femme désigne un homme à la justice et réclame une expertise, le juge n'a aucune latitude, il est obligé de l'ordonner. Si mince que soit le dossier ! Et on va utiliser contre l'homme la reine des preuves, la preuve biologique, en demandant un prélèvement, ce qui est quand même d'une grande violence. Les juges ne s'inter- rogent jamais sur la question du consentement de cet homme ni sur sa capacité à assumer cette pater- nité, peu importe qu'il soit un gamin de 17 ans ou un grand-père de 67 ans, qu'il soit démuni psychi- quement, fragilisé, cela n'aura aucune influence. J'ai eu à traiter un dossier dans lequel le père sup- posé ne connaissait ni le prénom ni le nom de la femme qui le désignait.

Le Point : mais l'homme est-il obligé de se sou- mettre à ce prélèvement ?

Non. Mais il est coincé. Car, s'il le refuse, le juge est libre d'interpréter ce refus, libre donc de le déclarer père sans test Adn. Des années après une concep- tion dont personne ne les avait avertis, et dont ils n'ont pour certains aucune certitude d'être à l'ori- gine, des hommes deviennent donc "juridiquement" pères, avec les conséquences dramatiques que cette paternité révélée tardivement peuvent avoir, familles meurtries, endettement pour payer les pensions réclamées rétroactivement. (...)

Aujourd'hui, le délai de recherche en paternité est passé à dix ans à compter de la naissance à la demande de la mère, et à dix ans après la majorité de l'enfant à la demande de celui-ci. On peut donc devenir père vingt-huit ans après la conception.

(...) Ce primat accordé au biologique pose bien des questions sur le sens que nous donnons à la pater- nité, mais il est surtout en contradiction avec nos lois de bioéthique. Lorsqu'un enfant est conçu, avec l'aide de la médecine, grâce à un don de sperme, le père est évidemment celui qui souhaite l'être, pas celui qui a donné son patrimoine génétique. Il y a là une vraie incohérence...

 Le Monde, C. Legrand et F. Aizicovici, 8/1/2013 - Des plaintes facilitées D'ici au 4 mars, tous les Français pourront dépo- ser une préplainte en ligne, sur le site du minis- tère de l'intérieur. Le déploiement va être réalisé en trois phases, le 7 janvier, le 4 février et le 4 mars. Réservé pour des faits d'atteintes aux biens, comme un vol ou une escroquerie, le système exis- tait déjà depuis 2008 -à titre expérimental- dans six départements.

Le concept est simple : les victimes remplissent un formulaire détaillé. Ils y décrivent les faits -circonstances, lieu et date de l'infraction- mais également de nombreuses informations person- nelles. Un espace "champ libre" permet quant à lui de rajouter "les éléments susceptibles d'orienter l'enquête". Un espace pointé du doigt par la Com- mission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Le risque ? Que ce champ soit utilisé pour désigner les auteurs présumés des faits, et aboutir à une forme de délation qui laisserait des traces infor- matiques.

Pour éviter ce type de dérive, le ministère de l'Inté- rieur rappelle que le dispositif est limité aux faits dont l'auteur est inconnu. S'il est connu, il faut se déplacer. (...)

Par ailleurs, si ce dispositif évite les déplacements inopportuns - en pleine nuit notamment - le plai- gnant devra tout de même se rendre au commis- sariat pour officialiser et signer sa plainte. Pour ce faire, un officier de police judiciaire contacte les victimes dans les vingt-quatre heures qui suivent l'enregistrement de la préplainte et convient d'un rendez-vous.

La victime a trente jours pour se présenter au commissariat, sinon la préplainte est effacée, "tout comme les données saisies dans le formulaire", assure la Cnil. Pour éviter les "fausses déclarations et les dénonciations calomnieuses", l'adresse Ip du plaignant est facilement identifiable, permettant de remonter jusqu'à l'internaute.

"L'enquête commence à la signature du procès-ver- bal, souligne M. Brandet. C'est un dispositif pré- paratoire et facilitateur mais qui ne remplace pas la plainte en soi".

- Des licenciements boursiers plus difficiles En attendant que le gouvernement tranche, le combat continue dans les prétoires pour faire annuler des procédures de licenciement dépour- vues de tout motif économique. Par motif éco- nomique, disent le Code du travail et la jurispru- dence, il faut entendre difficultés économiques, mutations technologiques ou nécessité de sauve- garder la compétitivité. En aucun cas, nécessité d'augmenter les bénéfices. Pourtant, ni la loi ni la jurisprudence n'autorisent le juge à annuler une procédure de licenciement assise sur ce dernier argument.

Ce qu'a rappelé sèchement, le 3 mai 2012, l'arrêt Vivéo de la chambre sociale de la Cour de cassa- tion. Elle a invoqué l'article L.1235-10 du Code du travail, selon lequel seule l'absence ou l'insuffi- sance de plan de sauvegarde de l'emploi (Pse, plan social) peut conduire à une annulation. L'absence de motif économique, elle, ne peut être sanction- née que par des dommages et intérêts, après le licenciement.

Si cet arrêt a fait grand bruit, c'est en raison du climat juridique d'alors : depuis deux ans, à la demande d'avocats de salariés, certains juges, notamment de Cours d'appel, résistaient à la posi- tion classique de la Cour de cassation et annu- laient des procédures dépourvues de motif écono- mique. Comme en témoignent les affaires Vivéo, Sodimédical, Ethicon, etc.

C'est ainsi que le 16 juin 2011, dans l'affaire Vivéo, "pour la première fois, une cour d'appel contrôlait la réalité du motif économique" en amont, se félicite encore Philippe Brun, avocat de salariés de Vivéo. Il voit dans ces décisions le signe de "la rébellion des juges du fond contre la position traditionnelle et conservatrice de la Haute Cour." (...)

Pour les avocats d'employeurs, l'arrêt Vivéo clôt le débat. "Le droit a été dit le 3 mai 2012", sou- ligne Stéphanie Stein, conseil au cabinet Skadden, qui rappelle que les rebondissements judiciaires reportent d'un à deux ans la notification des licen- ciements. "Pendant ce temps, l'entreprise ne peut rien faire, c'est ingérable", affirme Mme Stein. "L'ar- rêt Vivéo, juge-t-elle, est donc de nature à rassurer les employeurs, même si on n'est pas à l'abri du risque" que d'autres juges ne tiennent pas compte de cette jurisprudence.

(... Selon) Pascal Lokiec, professeur à l'université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, "d'autres fonde- ments peuvent être plaidés, en dehors de tout texte, comme la fraude à la loi, le détournement de pou- voir ou l'inexistence du motif, qui relèvent du droit commun."

Une voie retenue le 22 mai 2012 par le tribunal de grande instance (TGI) de Créteil, à propos d'une procédure de licenciements dans les maga- sins Leader Price. Selon le TGI, en l'absence de motif économique, la procédure "doit être annulée pour défaut de cause et fraude à la loi". Un juge- ment définitif, Leader Price ayant renoncé à faire appel. (...)

Dans le dossier relatif aux licenciements chez Merck à Eragny-sur-Epte (Oise), M. Brun entend faire valoir un autre argument. Le TGI de Nan- terre a reconnu, le 16 novembre 2012, que le géant pharmaceutique "ne justifie pas de motif écono- mique sans pour autant interdire les licenciements, explique-t-il. Dès lors, ceux-ci sont illégaux. Il y a donc un dommage imminent pour les salariés", qu'il faut empêcher. Ce sera l'objet de l'audience du 21 janvier au TGI de Nanterre, saisi en référé par la Cgt. Soit 11 jours avant la date prévue des 212 licenciements... S'il obtient gain de cause devant le Tgi puis en appel, il restera encore à M. Brun à convaincre la Cour de cassation... A moins qu'une loi vienne d'ici là trancher cette question.

Revue de presse La semaine de Jean-Jacques Ninon  www.ninon-avocats.com

André Santini