A U D I E N S A R T D E V I V R E 13
J'ÉTAIS LEUR CONFIDENT, ELLES ME RACONTAIENT LEUR VIE
Je les ai tous vus débuter, Doudou Morizot avec Emmanuel Bonini, L Archipel, février 2021.
refaire le décor ! Grâce au partenariat avec Europe 1, la machine est lancée, le succès est au rendez-vous. D abord machiniste, il devient rapidement régisseur. Doudou a non seulement côtoyé les têtes d affiche - Joséphine Baker, Miles David, Marlene Dietrich, Liza Minelli, Frank Sinatra - mais il a vu débuter toutes les stars de la variété française : Aznavour, Bécaud, Brassens, Brel, Dalida, Claude François, Hallyday, Mireille Mathieu, Polnareff
Lucide, il reconnaît : « Le métier a changé et je suis tombé à la bonne époque. Je ne comptais pas mes heures car il fallait réussir coûte que coûte. » Grand cœur mais aussi « tête de lard », il reconnaît : « Je n acceptais pas les caprices et je n hésitais pas à remettre en place les « emmerdeurs ». J étais ami avec tous les artistes. » Pourtant, il évoque la cruauté de certains d entre eux. Ce métier à ulcères - titre d un des chapitres - n est pas une vue de l esprit : « J en ai fait un avec Yves Montand. C était un super pro d une gentillesse extraordinaire mais exigeant. Pourtant, même dans les moments de découragement, je ne serais pas parti car l Olympia, c était ma maison. » Il évoque aussi les tournées avec Sammy Davis, Oum Kalthoum, Jerry Lee Lewis : « J ai fait trois fois le tour du monde dans les années 70-80, mais je ne me rendais pas compte que je représentais Bruno Coquatrix. Les artistes ou techniciens ne parlaient pas français et moi, pas un mot d anglais ! Comme avec la langue des signes, on arrivait à se comprendre. »
Taquin, il règle ses comptes, entre déceptions et petites trahisons, et révèle aussi les souffrances, les doutes et les chagrins. En filigrane de son récit personnel, Doudou Morizot nous plonge dans l intimité de ces artistes qui sous les fards et les paillettes, sont seuls. Combien de ces chanteuses, de Dalida à Rika Zaraï, en passant par Gloria Lasso et Nicoletta, aura-t-il prises dans ses bras et consolées ? Il était bien plus qu un régisseur : « J étais leur confident, elles me racontaient leur vie. » Piaf ne l avait-elle pas surnommé « ma p tite gueule » ? Son plus gros secret ? « Dans le bas de l ancien rideau de scène, j ai découpé un morceau que j ai laisssé tomber dans la tombe de Piaf, ma façon de lui rendre hommage. »
Si la publication de son livre le met en joie, il ne peut s empêcher de rappeler que la plupart ont disparu. Même Jean-Michel Boris, le directeur historique, qui lui avait écrit la préface, a été emporté par la Covid-19 en novembre dernier, deux mois avant la sortie. Quand on demande à Doudou si après son licenciement il est retourné au 28, boulevard des Capucines ? Sa réponse est sans appel : « J ai dit : c est terminé ». Pourtant, grâce à ce travail de notes, c est un véritable show qu il nous donne à revivre en 250 pages. Merci l artiste !
©Doudou Morizot, James Brown.