Vous avez rejoint l équipe de Laurent Ruquier sur RTL? Avec la période de confinement et la privation des salons et manifestations littéraires, j ai un peu plus de temps. C est ainsi que j ai accepté de rejoindre Les Grosses Têtes depuis janvier. Tous les exercices audiovisuels m amusent mais je suis un bizut qui a encore besoin d apprendre !
De quand date votre vocation d animateur ? Quand j étais gamin, je rêvais d être commentateur sportif, de devenir un Raymond Couderc ou un Raymond Marcillac ! Sur le petit écran, je ne voyais aucun présentateur qui me ressemblait. En étant animateur, j ai le sentiment que ça peut aider des gamins de tous âges. De la même manière, quand j étais prof en banlieue dans des quartiers difficiles, j incarnais un possible pour ces gosses. Toutes ces activités médiatiques ont une fonction de représentation et d exemplarité.
Comment avez-vous vécu l arrêt de France Ô et de votre émission littéraire « Page 19 » ? Alors que la diversité reste une préoccupation, je n ai pas compris la logique ni l urgence de supprimer France Ô. Cela me peine, de même que la disparition de nombreuses émissions et pastilles littéraires. Je suis un enfant de la télévision : elle a été mon université populaire et j y ai appris des choses phénoménales. Elle était le prolongement des « Hussards » qui avaient une mission.
Comment avez-vous vécu le premier confinement ? J ai ressenti le désir d une chevauchée et le besoin de grand air avec l envie de partager des histoires. Alors, je me suis lancé avec des amis comédiens, dans le récit d un combat épique, destiné à un feuilleton radiophonique. Même si ce projet a retardé les autres qui étaient en cours, c était vital. Chaque matin, je voulais faire vibrer mes personnages, dans une espèce de folie romanesque.
Dans votre roman « Longtemps, je me suis couché de bonheur », vous rendez un hommage à La Recherche À quinze ans, on ne sait pas pourquoi on écrit, surtout quand on est dans un milieu où personne ne le fait : Proust m a ouvert la voie et cette liberté. Je raconte la naissance de l écrivain : comment en 24h, un gamin d une cité s est ainsi mis en mouvement vers l écriture. Parce que je considère avoir été élevé au bonheur, je dois le rendre et le partager. Mon père m avait dit un jour : je rêve de payer des impôts ! J y ai pensé très fort. Cet argent que j ai coûté à la société, aujourd hui, je le restitue.
Un petit avant-goût de votre prochain livre ? Alors que je bois très peu et que j ai une perception aigüe de la santé, j ai fait une autobiographie à travers mon rapport au vin, au fil des étapes de ma vie. J évoque ma maîtrise absolue de ne pas y céder, entre méfiance, défiance et tentation, et tout ce qu on apprend sur soi, ses goûts, sa volonté Je me souviens de ma mère qui m avait mis en garde très jeune, en comparant les attraits du vin au chant
des sirènes. C est un récit singulier et salutaire et - sans doute par pudeur - celui que j ai eu le plus de mal à écrire.
Avez-vous peur de vieillir ? J ai eu des parents qui sont partis tôt : élever treize enfants, ça fatigue ! D ailleurs, je trouve scandaleux d avoir vécu vingt ans de plus que mon père qui est mort à 51 ans. Par chance, depuis toujours, on ne me donne par mon âge et je parais plus jeune. C est pendant le confinement que je me suis aperçu que j étais vieux : on annonçait que les personnes à partir de 70 ans étaient à risque et dans le même temps, j étais trop jeune pour me faire vacciner !
Vous sentez-vous marathonien ? Comme tous les comédiens et les professionnels de la télé, je fais attention : nous avons un métier d apparence très physique, dans un milieu de tentations. Mais d une certaine mesure, ça nous protège pour assurer ! Quand j ai joué en 2012 mon seul en scène au théâtre « La faute d orthographe est ma langue maternelle », j ai senti que c était une épreuve d endurance.
Vos rituels forme ? Chaque matin, je fais un petit inventaire de mes douleurs : cervicales, genoux Je vérifie la balance pour garder la ligne puis j enchaîne vélo, gymnastique et un gainage chronométré. Cela fait partie de la vie : il faut se surveiller. C est un réflexe depuis toujours. D ailleurs quand j ai eu ma fille à 50 ans, je me suis dit que je voudrais danser le rock avec elle pour ses 20 ans : pari tenu !
Propos recueillis par Florence Batisse-Pichet
A U D I E N S A R T D E V I V R E 5
BON À SAVOIR Suite pour la version longue accessible par le web : www.audienslemedia.org
JE SUIS UN ENFANT DE LA TÉLÉVISION : ELLE A ÉTÉ MON UNIVERSITÉ POPULAIRE.
Longtemps, je me suis couché de bonheur Daniel Picouly (Albin Michel, août 2020).